Qu'elle fut verte l'herbe de Mayol !

En ce dimanche 1er juin 1947, les cinéphiles Niçois se pressent au Mondial ou au Rialto pour voir le grand succès dramatique du moment : "Quelle était verte ma vallée". Mais à 150 kilomètres à l’Ouest, un autre drame va peut-être se jouer sur l’herbe, verte aussi, du stade Mayol de Toulon où les locaux accueillent nos Rouge et Noir pour un match capital. En effet, il ne reste que 3 rencontres à disputer dans ce championnat de 2ème division et le Gym est 18e sur 22 avec 32 points. Deux petits points d’avance sur nos adversaires du jour et 4 sur Le Mans, suivant immédiat. Les 2 derniers, Perpignan et Antibes étant déjà condamnés.

Il faut vous expliquer que le GCA (Groupement des Clubs Autorisés, ancêtre de la LNF) a décidé qu’à la fin de cette saison la division 1 serait ramenée de 20 à 18 clubs. Pour cela 4 équipes descendront, 2 seulement monteront. Reste à déterminer le nombre de clubs de cette future seconde division (22 clubs plus 4 relégués moins 2 promus = 24). Il faut savoir qu’à l’époque il n’y avait aucune descente pour les plus mals classés de D2, le championnat suivant (CFA) étant totalement amateur. Le débat va se poursuivre jusqu’au 19 avril 1947, date de la décision : il y aura 20 clubs. Il faut donc en éliminer 4, mais lesquels ? Ce n’est que le 10 mai, soit un mois à peine avant la fin du championnat, qu’il sera prévu que les 4 derniers seront évincés des rangs professionnels.

Et voilà comment Nice et Toulon vont jouer une partie de leur avenir devant quatre mille spectateurs dont 1500 supporters Niçois. L’OGC Nice aligne : Million, Sabena, Frusta, Carasso, Chaniel, Clerc, Sella, Donna, Joaquin Valle, Castro et Fassone. Le premier tir est à l’actif de Castro qui reprend un coup-franc de Clerc. Nice domine mais Llense manque de peu de donner l’avantage aux Toulonnais. Premier corner pour Nice sur lequel Carasso shoote violemment, Pettenaro (le gardien varois, qui a d’ailleurs joué à Nice pendant la guerre) a beaucoup de mal à bloquer. Il doit s’employer encore à la 30ème sur un essai de Sella et acrobatiquement arrête dans la minute suivante un tir en demi-volée de Valle.

L’emprise Niçoise est totale mais la mi-temps arrive sur le score de 0-0. Dès la reprise Million pare un tir dangereux de Molina. A la 50ème Donna, seul à sept mètres des buts tire…à côté ! Dix minutes plus tard, un shoot de Valle vient s’écraser sur le poteau et à la 63ème Pettenaro relâche un tir de Castro, le ballon est dégagé sur la ligne par Garnieri.

Trop d’occasions Niçoises et pas de but. Comme souvent dans ces cas là c’est l’équipe dominée qui va avoir la meilleure opportunité. Il reste un quart d’heure à jouer et Aznar parvient à récupérer deux fois le ballon et tire, Million est battu mais Sabena se jette pour détourner en corner. Le gardien Niçois bloque ensuite une tête appuyée de Garin. La chance varoise va tourner car à la 83e, Frusta dégage de la tête, récupère le ballon vers le milieu du terrain, passe à Castro qui transmet à Valle, ce dernier prolonge vers Fassone à gauche. L’arrière Cionini devance notre ailier et de 20 mètres passe en retrait à son gardien mais la passe est trop molle et Fassone, qui a suivi, reprend la balle et d’un tir à ras de terre vient battre Pettenaro sorti à sa rencontre. Les supporters Niçois explosent.

Il faut tenir et nos joueurs le feront, sans trop de mal, nos adversaires sont comme assommés. Valle marquera même un second but mais il sera refusé pour hors-jeu juste avant que l’arbitre M. Valenti ne siffle la fin du match. C’est du délire dans les rangs Niçois. Nice repart avec 4 points d’avance sur Toulon et 4 aussi sur Le Mans, vainqueur chez lui.

Heureusement car, pour le dernier match de la saison au Ray, nos Rouge et Noir vont perdre 2-3 contre Angers (qui jouait encore la montée) alors que Toulon bat Besançon 3-1. Le Mans-Troyes n’ayant pu se jouer le dimanche à cause d’une grève SNCF sera disputé en semaine et gagné 3-1 par les Manceaux.

Pour la dernière journée du dimanche 15 juin nous voilà donc avec 2 points d’avance seulement. Nous devons aller jouer contre l’ancêtre de l’Olympique Lyonnais, le Lyon Olympique Universitaire (qui ne peut plus monter), Toulon ira à Amiens (34 points comme nous) et Le Mans à Perpignan. Assez rapidement menés 0-1, nous égalisons par Valle à la 51ème et nous gagnons 2-1 sur un but de Perez à…cinq minutes de la fin. Dans le même temps Amiens bat Toulon 2-1 et le condamne (mais les varois n’attendront qu’une saison avant d’obtenir à nouveau le statut pro) et Le Mans arrache un match nul 2-2 qui s’avèrera très important pour eux puisque terminant 19ème ils seront repêchés quand Clermont-Ferrand abandonnera….une semaine avant la reprise de la saison 1947/48 ! L’on ne reverra jamais plus dans les rangs professionnels, ni l’USA Perpignan, ni nos voisins Antibois.

Michel OREGGIA

 
Etre informé de toutes les nouveautés de notre boutique